(2019)
Je sais qu'en écrivant ce qui va suivre je risque de froisser certaines personnes. Pour nombre de cinéphiles, Martin Scorsese est un maître du 7ème art. Sa riche filmographie est jalonnée de films mythiques et grands classiques. Et pour un grand nombre, son nom est indissociable des films de gangsters et plus particulièrement sur la mafia. Arrive donc sur les petits écrans "The Irishman", projet qui aux dires du cinéaste, il rêve depuis des années et que faute de moyens financiers, il a accepté de tourner pour la télé. J'y reviendrai plus tard.
3h30 et le constat est amer. Profonde tristesse de voir un artiste qui radote, qui n'a pas su se renouveler et rate une fois de plus le coche. Pourtant, il avait mis tous les atouts de son côté, rappel des troupes, de la famille, de ses fidèles lieutenants que sont Robert De Niro, Joe Pesci, Harvey Keitel. Mieux encore, il avait enfin réussi à ce qu'Al Pacino (impérial) rejoigne le casting. Et malgré tout cela, le miracle n'a pas eu lieu.
La faute à un rêve, un but que le cinéaste n'a de cesse, comme une obsession incurable depuis le début de sa carrière, à vouloir réaliser le film ultime sur la mafia. Et tel Don Quichotte voulant atteindre l'inaccessible étoile, Martin Scorsese lutte depuis plus de 45 ans pour l'un et 35 ans pour l'autre contre des moulins à vent. Car malgré "Mean Streets", malgré "Les affranchis", malgré "Casino", malgré "Les infiltrés" et pour aller plus loin, malgré "Gangs of New York" et la qualité de ces films, jamais ces derniers n'égaleront ou ne dépasseront les deux monuments du genre que sont "Le Parrain 1 et 2" (1972 et 1974) de Francis Ford Coppola et "Il était une fois en Amérique" (1984) de Sergio Leone. Deux cinéastes qui au delà de leur technique irréprochable ont su toucher le cœur du public en attachant plus d'importance aux personnages et à l'histoire qu'à la virtuosité de leur mise en scène. Tout le contraire de Scorsese. Trop démonstratif, trop virtuose, trop maniaque du détail qui tel un chirurgien analyse, décortique chaque image. Comme un musicien trop imbu de sa technique et ne jouant que pour des musiciens. Et par la même tue l'émotion, la part du rêve, le romantisme et l'empathie qui peut naître chez le spectateur pour ces personnages. Car on l'a aimé cette famille Corleone, on s'est attaché à son destin malgré toutes les horreurs que ceux-ci ont engendré. Et il en est de même pour Max et Noodles. Noodles dont l'image de lui allongé dans la fumerie d'opium (Robert De Niro vieilli par maquillage) est autrement plus émouvante que cet Irishman dans sa chambre (vieillissement numérique totalement raté). Et là je reviens au fait que Scorsese ait accepté de tourner pour la télé. Il semblerait que le rajeunissement numérique (raté) de ses comédiens était si cher qu'il n'a pas trouver de financements chez les studios de cinéma. Ne serait-ce pas plutôt un constat d'échec admis dès les prémices du projet que d'avouer que le film ne trouverait pas son public sur grand écran ? Le public d'aujourd'hui irait-il au cinéma pour voir un film de 3h30 racontant une énième histoire de mafia avec des comédiens dont le nom pour certains ne signifie rien ? La durée n'effraie pas le spectateur. Les succès de "Titanic", "The Dark Knight", "Avatar" ou autres "Avengers" l'ont prouvé. Comme si finalement, Martin Scorsese n'était qu'un cinéaste pour cinéphiles qui, malgré sa volonté parfois à vouloir s'éloigner de ses thèmes de prédilection comme avec le somptueux "Le temps de l'innocence", le cinglant "La valse des pantins", l'efficace "Les nerfs à vif", le magique "Hugo Cabret" et son chef d’œuvre "New York, New York", n'aura jamais atteint un succès public intergénérationnel. Succès que ces compagnons de route du Nouvel Hollywood Francis Ford Coppola, Brian De Palma, George Lucas et Steven Spielberg ont connu à un moment ou un autre de leur immense carrière. Et pour l'un d'entre eux, la diversité, l'étendue et la créativité de son cinéma est souvent synonyme de réussite artistique et public.
REGRETS !!!