Magnifique réédition, juste entachée par une grossière faute de frappe "Psuedo Silk Kimono"...
Il en fallait une
Michael Hunter a fait du très bon boulot, Steven Wilson aussi comme toujours. Et le visuel se veut très généreux.
En particulier dans le livret de l'édition vinyle.
Mais pour moi le Graal c'est bel et bien la réunion du groupe circa 1985 avec son producteur Chris Kimsey, au Racket Club.
Qui eut pu croire que Fish serait un jour tranquillement assis à bavarder dans ce studio-là ?...
Les échanges sont très francs, truffés d'anecdotes et surtout nimbés d'une étrange émotion.
En particulier sur la fin quand le groupe évoque l'interminable tournée qui a entériné le succès de Misplaced Childhood.
Fish y livre alors son point de vue, avec amitié et respect mais sans retenue, expliquant la pression colossale qui pesait alors sur ses épaules quand il devait assurer quotidiennement interviews et shows, le reste du groupe lui laissant le plus souvent le soin de répondre aux journalistes. Ainsi démontre-t-il que cette période "dorée" a peu à peu tué la "gang mentality" de Marillion, désormais divisé et miné par des querelles internes et des intérêts de moins en moins concordants. Ce qui est touchant, c'est qu'on sent tout le poids du regret dans ses paroles, et c'est peu de dire qu'un ange passe dans le studio quand il les prononce...
En voyant cette séquence, avec Fish qui parle et les autres qui l'écoutent en silence, un brin gênés, on réalise vraiment que près de trente ans après le split, c'est lui qui reste le plus atteint par cet effroyable gâchis. Quand il dit "jusqu'en 1986, nous étions toujours restés solides", il interroge en fait : "que nous est-il arrivé ?". Puis il en vient évidemment à aborder ce qui a suivi : Clutching At Straws et son cortège d'amertumes. Bref, ce documentaire remue des souvenirs très contrastés...
Et ce n'est pas fini. À croire que toute vérité devait être enregistrée pour l'éternité... Fish fait un aveu des plus sincères quand il en vient à parler de sa voix. Ecoutant avec Chris Kimsey aux manettes l'un des passages de l'album, il réaffirme devant ses anciens comparses ce qu'il dit depuis des années dans la presse. En substance : sa façon de chanter à l'époque n'était pas faite pour lui, pas naturelle, il aurait du avoir un conseiller, un coach vocal, pour l'avertir sur les dangers de cette façon de monter sans cesse dans les aigus et d'aligner tous ces falsetto.
Mais ce que je trouve particulièrement courageux c'est qu'il concède en présence de Pete, Mark, Steve et Ian qu'aujourd'hui il serait incapable de chanter le disque tel qu'il est. Une telle franchise est tout de même rare.
Elle ne l'empêche pas de défendre bien sûr son approche en solo, le fait d'avoir justement baissé ces fameuses tonalités surnaturelles, et même l'émotion qui selon lui s'est dégagé des concerts donnés lors du Farewell To Childhood Tour, avec ce Misplaced Childhood pourtant joué trois ou quatre tons en dessous de l'original. Encore un ange qui passe...
Surtout si l'on se souvient des propos de Steve Rothery qui a affirmé haut et fort que jamais il ne jouerait Misplaced Childhood dans une tonalité différente pour ne pas dénaturer l'album...
On voit aussi à quel point Fish reste très différent des quatre autres dans sa mentalité, dans son approche des choses. Lui l'écossais dit tout, met les problèmes sur la table, quand ses acolytes conservent leur flegme anglais, à l'exception de Mark l'irlandais, tout de même plus disert.
Le bilan de tout ça, c'est d'abord un moment assez intense, et un constat : si humainement l'amitié a repris ses droits depuis longtemps maintenant entre Fish et Marillion, je n'imagine pas un seul instant qu'ils puissent à nouveau s'entendre artistiquement. Le fossé qui s'est creusé en 1988 ne sera jamais comblé. A un moment le Poisson lance même avec ironie une allusion sur le fameux tableau noir rempli de ces bits de musique que le groupe a toujours aimé empiler et assembler. Méthode de composition sur laquelle il n'a visiblement pas changé d'opinion, il la déteste, point !
Quand on pense par ailleurs qu'elle a abouti à un chef d'oeuvre nommé FEAR...
Mais ceci est une autre histoire, qui, elle, se poursuit...
J'ajouterai pour conclure que malgré tout, ce serait formidable de voir les anciens complices de Fish apparaître pour des cameo sur Weltschmerz, son futur et ultime album dont l'écriture vient de débuter, à quelques encablures d'Haddington, Scotland...
A+
mdf : Lady Nina, Steven Wilson Remix