L'album solo de Mark Kelly... Ce fut pendant 30 ans l'arlésienne du petit monde de Marillion. Sa première évocation remonte je crois aux années Seasons End, c'est dire... L'idée séduisait beaucoup à une époque où les aficionados du groupe s'étripaient dans des débats passionnants comme :
"combien y-a-t-il de soli de synthés de Mark dans le nouvel album ??" On comprend mieux la déception engendrée par Holidays In Eden...
A quoi pourrait bien ressembler un album solo de Mark Kelly ? Qu'imaginait-on à l'époque ? Dans mon souvenir, je crois bien qu'il ne pouvait s'agir que d'une orgie de synthés, intrumentale, grandiose, palliant toutes les frustrations éventuellement engendrées par sa concision dans Marillion.
Et puis l'idée s'est diluée dans le temps. La question revenait ça et là en interview, mais Mark éludait d'un sourire. Finalement, ce sont les deux Steve qui partent les premiers en escapade, l'un avec son ice cream, l'autre avec son arbre à souhaits. Mark, lui, semble pour un temps s'intéresser davantage à la production, notamment sur le prometteur premier album de John Wesley. Puis, Marillion s'empêtrant peu à peu dans l'inertie de son label indépendant, il se mue en stratège commercial, lançant l'idée salvatrice du crowdfunding, qui va sauver et relancer le groupe. Par la suite Pete trouve lui aussi d'autres compagnons de jeu dans Kino et Transatlantic, H promène son piano à l'occasion, Steve R. poursuit ses explorations, même Ian y va de sa jam personnelle, mais de Mark Kelly, pas la moindre trace.
Autant dire qu'on ne l'espérait donc plus cet album SOLO. Qui en définitive n'est PAS un album solo. Et c'est pourquoi il est formidable. Mark a eu l'intelligence de continuer à faire ce qu'il fait de mieux, écrire de belles mélodies, ciseler ces divins ornements dont il a le secret, et les mettre au service d'une brassée de nouvelles chansons, qui auraient toutes pu finir sur un album de Marillion, mais qu'il a finalement réservées à son projet nommé Marathon.
A l'instar de Pete dans Kino, Mark s'insère donc dans une nouvelle troupe, dont il est le capitaine, distillant, pour la plus grande joie de l'aficionado précité, des soli dans CHAQUE morceau, à l'exception du single This Time. Pour le reste, que dire, c'est un régal du début à la fin. Personne ne s'échine à passer pour ce qu'il n'est pas, ou à prétendument révolutionner quoi que ce soit. L'excellent Oliver M Smith chante comme un Paul Carrack qui aurait croisé John Mitchell lui racontant la dernière de Peter Gabriel, et le fait à merveille, sans geindre, sans forcer sur la théâtralité, en cherchant à chaque fois l'émotion juste. Pete "Woody" Wood et John Cordy ne tentent jamais d'imiter un de ces bends gorgés de vibrato qui sont LA marque de fabrique de Steve Rothery. En revanche, ils ne se privent pas pour arpéger comme lui avec force chorus, et surtout habiller l'espace sonore avec grâce et sans le moindre bavardage. Leurs enchevêtrements frisent les moustaches, et l'on se régale comme un chat tombé dans son bol de lait ! Sur la section rythmique, notamment confiée au petit neveu, Conal Kelly, rien à redire non plus. Quant à Mark, il est Mark, tout simplement brillant tout au long de cet album au format seventies, un peu moins de 45 minutes ! Le bon chrono, que la musique n'aurait jamais du quitter. Marathon, déjà un classique ! Et la bonne nouvelle c'est que d'après Mark, il aura une suite...
Bravo Maestro !!